L’assujetti en matière de TVA

l'assujetti à la TVA

Fonctionnement général de la TVA

Le système de la TVA repose sur trois fondements essentiels et interconnectés :

L’assujetti (articles 9, 11 et 13 Directive TVA);
Les opérations imposables (article 2 Directive TVA);
La déduction de la taxe en amont (articles 167 et 168 Directive TVA).

Contrairement au droit classique en matière d’imposition des revenus, le droit de l’Union européenne relatif à la TVA n’impose pas les variations de patrimoine, telles que les plus-values, mais se concentre uniquement sur les activités.

C’est ce qui ressort du libellé de l’article 2 (‘opérations’), de l’article 9 (‘activité économique’), de l’article 13 (‘activités […] qu’ils accomplissent’) et de l’article 168 Directive TVA (‘les biens […] sont utilisés’).

En conséquence, la législation relative à la TVA ne prévoit aucune exigence d’élaboration d’un inventaire patrimonial, c’est-à-dire de distinction entre l’actif et le passif.

La dette de TVA ne se détermine pas par la comparaison de plusieurs patrimoines à des moments distincts, processus connu sous le nom de ‘comparaison de l’actif net’, mais plutôt en fonction de la dépense engagée par un tiers pour une fourniture ou un service.

Activité économique

Dans le cadre du système de la TVA, l’assujetti assume la fonction de collecteur d’impôt, indépendamment de la phase du circuit économique dans laquelle il se situe. L’assujetti agit donc comme un percepteur de la TVA sans en recevoir de compensation.

En outre, le système impose que la fourniture de biens ou de services soit conditionnée exclusivement par la qualité du fournisseur ou du prestataire de services, c’est-à-dire la qualité particulière qui se rapporte à la notion d’assujetti. Cette qualité est essentielle pour l’exigibilité de la TVA, à condition qu’il y ait une contrepartie directement associée à l’opération concernée.

C’est d’ailleurs pour cette raison que la définition de la notion d’assujetti telle qu’elle est donnée à l’article 9, § 1er,alinéa 1er Directive TVA est si importante : est un assujetti, quiconque exerce d’une façon indépendante et quel qu’en soit le lieu, une activité économique, quels que soient les buts ou les résultats de cette activité.

Il ressort par ailleurs sans équivoque de l’article 9, § 1, alinéa 1 Directive TVA que, en principe, cette directive s’applique à toute activité, qu’elle soit exercée à titre lucratif ou non. Ainsi, l’article 132, sous l) et sous m) Directive TVA, qui exonère certaines activités exercées par des organismes sans but lucratif, corrobore également cette conclusion. Ces activités ne nécessiteraient pas d’exonération particulière s’il ne s’agissait pas d’activités économiques.

L’article 9, § 1er, alinéa 2, 1ère phrase Directive TVA dispose qu’est considérée comme une activité économique, toute activité de producteur, de commerçant ou de prestataire de services, y compris les activités extractives, agricoles et celles des professions libérales ou assimilées.

L’article 9, § 1er, alinéa 2, 2ème phrase Directive TVA stipule qu’est notamment qualifiée d’activité économique l’exploitation d’un bien dans le but d’en tirer des revenus ayant un caractère durable.

L’existence d’une rémunération au sens de l’article 2, § 1, sous c) Directive TVA ne suffit pas pour déterminer qu’une activité est accomplie en vue d’en tirer des recettes au sens de l’article 9, § 1, alinéa 2, 2ème phrase Directive TVA.

Il est nécessaire d’examiner l’ensemble des conditions dans lesquelles une prestation de services est réalisée pour établir si celle-ci est effectuée ‘contre rémunération’, ce qui permettrait de la qualifier d’activité économique.

Il convient de noter qu’en matière de TVA, il n’y a pas de distinction entre les personnes physiques et les personnes morales. Cependant, il est important de souligner que, contrairement aux personnes physiques, les sociétés sont des entités établies selon un cadre juridique, que ce soit au niveau du droit communautaire, du droit national ou des ‘societas europea’.

À ce stade, une discussion est engagée : la notion d’assujetti agissant en tant que tel, ainsi que la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes qui en découle concernant les assujettis personnes physiques, peut-elle être appliquée de manière analogue aux personnes morales ?

Dans une affaire particulière qui lui a été présentée, le tribunal de première instance de Liège a jugé que l’intégralité du patrimoine d’une personne morale est présumée destinée à satisfaire les exigences de son activité. Par conséquent, selon le tribunal, une personne morale n’a pas la possibilité de choisir l’affectation de son patrimoine.

Pour acquérir la qualité d’assujetti, il suffit d’avoir de bonne foi l’intention d’effectuer, moyennant contrepartie, des livraisons de biens et/ou des prestations de services visées au sens de l’article 2, § 1, sous a) et c) Directive TVA de la manière prévue à l’article 9 Directive TVA. Remarquons d’une part qu’il est permis de parler d’activité économique par exemple au sujet d’une part des activités, lucratives ou non, soumises aux lois du marché, mais aussi, d’autre part au sujet d’activités échappant aux lois du marché, ainsi l’activité des notaires. Une activité est ainsi, en général, qualifiée d’« économique » lorsqu’elle présente un caractère permanent et est effectuée contre une rémunération perçue par l’auteur de l’opération.

Le volume et l’étendue des opérations ne peuvent pas servir de critère pour différencier les activités d’un opérateur agissant en tant que privé, qui échappent au champ d’application de cette directive, de celles d’un opérateur dont les opérations relèvent d’une activité économique.

Étant donné la complexité de formuler une définition exacte de l’activité économique, il est nécessaire d’examiner l’ensemble des conditions dans lesquelles elle s’exerce, en adoptant une approche au cas par cas, en se référant au comportement typique d’un entrepreneur engagé dans le secteur concerné.

Opérations sur titres

Il convient de noter que, en règle générale, les opérations sur titres (telles que les actions et les obligations) ne relèvent pas du champ d’application de la TVA, à l’exception de trois situations spécifiques: 

  1. Lorsqu’elles ont pour but de réaliser une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des sociétés dans lesquelles s’est opérée la prise de participations ;
  2. Lorsqu’elles sont effectuées dans le cadre d’une activité commerciale de négociation de titres ;
  3. Lorsqu’elles constituent le prolongement direct, permanent et nécessaire de l’activité taxable.

Ainsi, lorsque l’un de ces trois cas se manifeste, l’activité doit être considérée comme relevant du champ d’application de la TVA.

Auparavant, d’après l’Administration fiscale belge, la distribution de dividendes et la cession de participations sont considérées, l’une comme une opération non soumise à la taxe et l’autre comme une opération exonérée en vertu de l’article 44, § 3, 10° CTVA. En règle générale, les taxes appliquées aux frais liés à l’acquisition de participations ne sont pas déductibles.

Cette position de l’Administration est-elle bien conforme à la jurisprudence de la CJUE ?

Analysons, dans ce contexte, la manière d’évaluer les dépenses engagées par les entreprises soumises à la TVA pour la mise en œuvre de leurs opérations en capital, telles que l’introduction en bourse, l’augmentation de capital, la prise de participation, qu’elle soit accompagnée ou non d’une immixtion dans la gestion de l’entreprise, ainsi que les opérations de fusion, de scission ou d’apport d’une universalité totale ou partielle. En réalité, ces dépenses sont engagées pour assurer, au moyen de sources de financement diversifiées, la croissance de l’entreprise et, partant, pour la pérenniser.

En d’autres termes, leurs coûts peuvent être regardés comme étant inhérents au fonctionnement de l’entreprise.

Ces dépenses sont donc directement et immédiatement liées à l’ensemble des activités économiques de l’entreprise qui les engage, en l’absence d’un lien similaire avec une ou plusieurs opérations spécifiques donnant droit à la déduction de la TVA.

La situation dans laquelle l’entreprise reçoit également des revenus non imposables (tels que des dividendes ou des produits financiers non imposables) n’a aucune influence.

Dès lors, il y a lieu de considérer que ces dépenses font partie des frais généraux de l’entreprise et qu’ils constituent, en principe, des éléments du prix des opérations imposables que celle-ci réalise.

Les dépenses supportées par une entreprise assujettie à la TVA pour la réalisation de ses opérations en capital ouvrent droit à déduction en principe. La position administrative n’est pas conforme à la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes et plus particulièrement son arrêt CIBO.

L’Administration a fini par se ranger à l’avis de la CJUE. En témoigne un extrait du Manuel de la TVA :

Il doit toutefois être précisé que les frais relatifs à l’acquisition et à la détention de participations par un holding dans des sociétés auxquelles il fournit des services font partie des frais généraux de l’ensemble (activités taxables et/ou exemptées) de l’activité économique du holding et permettent par conséquent la déduction dans la mesure où ils sont afférents aux opérations taxables (Arrêt Cibo Participations SA, CJCE, 27/09/2001, C-16/00).

Cessions d’actions

Principes en matière de cession d’actions

La problématique se pose fréquemment concernant le traitement de la cession d’actions par une société, en lien avec la notion d’activité économique.

Pour aborder cette question, il convient de souligner que le champ d’application de la TVA est restreint en raison de sa caractéristique d’impôt sur la consommation. Par essence, une prestation de services doit nécessairement impliquer une forme de consommation.

Si l’objet du rapport juridique exclut la consommation, il ne peut y avoir de prestation de services.

Certes, la cession d’actions peut être intrinsèquement visée par l’article 24, paragraphe 1er Directive TVA et être considérée comme une prestation de services. L’essentiel est toutefois de savoir s’il est cohérent, compte tenu de l’économie de la Directive TVA, de soumettre cette ‘opération’ à la taxe.

Ainsi, la cession d’actions effectuée par une société qui ne participe pas à la gestion des filiales concernées ne constitue pas une activité économique permettant d’acquérir le statut d’assujetti, et par conséquent, elle n’a aucune incidence sur l’étendue du droit à la déduction.

Cette position a été confirmée par l’Administration : lorsqu’un holding qui a pour seule activité la détention de participations en vue d’en recueillir des dividendes, procède à la revente de certaines de ces participations, cet holding n’agit pas dans le cadre d’une activité économique lui conférant la qualité d’assujetti au sens de l’article 4 CTVA.

En d’autres termes, cette opération sort du champ d’application de la taxe.

Il est donc établi que la transmission d’actions ou d’autres instruments financiers ne peut être considérée comme une exploitation d’un actif destinée à générer des revenus de manière durable, la seule compensation de ces transactions étant un éventuel gain lors de la cession de ces titres.

Il est vrai que de telles opérations ne peuvent, en principe, être considérées comme des activités économiques au sens de la Directive TVA. En effet, l’article 135, paragraphe 1er, sous f) de la Directive TVA indique que les transactions portant sur des titres peuvent être soumises à la TVA. Cependant, les opérations mentionnées dans cette disposition concernent celles qui génèrent des revenus de manière permanente, dépassant ainsi le cadre de la simple acquisition et vente de titres, comme c’est le cas pour les transactions réalisées dans le cadre d’une activité commerciale de négoce de titres.

Une entreprise qui se consacre à des activités de vente d’actions et d’autres titres négociables, y compris des participations dans des fonds d’investissement, doit être perçue, pour ces activités, comme se bornant à la gestion d’un portefeuille d’investissements, semblable à celle d’un investisseur individuel.

Il est essentiel de souligner à ce sujet que ni l’ampleur d’une cession d’actions ni l’utilisation, dans le cadre de cette cession, de sociétés de conseil ne peuvent servir de critères pour différencier les activités d’un investisseur privé, qui échappent au champ d’application de la Directive TVA, de celles d’un investisseur dont les opérations relèvent d’une activité économique.

Edmond ALDERIC – Expert fiscal Partner

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