
Décision anticipée n°2024.0919 du 21.01.2025
Revenus locatifs d’un immeuble meublé – Revenus immobiliers – Revenus mobiliers – Revenus divers – Détermination forfaitaire du revenu mobilier
Résumé
Les revenus provenant de la location d’un immeuble meublé avec fourniture de draps de lits et du service de nettoyage par l’intermédiaire d’une plateforme de location :
– en ce qui concerne la partie immobilière, seront considérés comme des revenus immobiliers conformément à l’article 7, § 1er, 2°, a), deuxième tiret du CIR 92 ;
– en ce qui concerne la partie mobilière, seront considérés comme des revenus mobiliers conformément à l’article 17, § 1er, 3° du CIR 92 ;
– en ce qui concerne les services offerts, seront considérés comme des revenus divers conformément à l’article 90, alinéa 1er, 1° du CIR 92 ;
– ne constituent pas des revenus professionnels visés à l’article 23, § 1er du CIR 92.
Conformément à l’article 4, 2°, b) de l’AR/CIR 92, le montant brut du revenu imposable provenant de biens mobiliers correspondra à 40 % du loyer perçu étant donné qu’aucune répartition préalable n’est actée dans le contrat de location.
Décision détaillée
I. Objet de la demande
1. La demande vise à obtenir la confirmation du Service des Décisions Anticipées (ci-après « SDA ») que :
1.1. Les revenus du Demandeur provenant de la location d’un immeuble meublé avec fourniture de draps de lit et du service de nettoyage par l’intermédiaire de la plateforme de location « ZZZ » :
1.1.1. en ce qui concerne la partie immobilière, seront considérés comme des revenus immobiliers conformément à l’article 7, § 1er, 2°, a), deuxième tiret du Code des impôts sur les revenus (ci-après CIR 92) ;
1.1.2. en ce qui concerne la partie mobilière, seront considérés comme des revenus mobiliers conformément à l’article 17, § 1er, 3° du CIR 92 ;
1.1.3. en ce qui concerne les services offerts, seront considérés comme des revenus divers conformément à l’article 90, alinéa 1er, 1° du CIR 92 ;
1.1.4. ne constituent pas des revenus professionnels visés à l’article 23, § 1er du CIR 92.
1.2. Conformément à l’article 4, 2°, b) de l’Arrêté royal d’exécution du CIR 92 (ci-après AR/CIR 92), le montant brut du revenu imposable provenant de biens mobiliers sera censé correspondre à 40 % du loyer perçu, étant donné qu’aucune répartition préalable n’est actée dans le contrat de location.
II. Description des faits et de l’opération envisagée (1)
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[(1) Tels que décrits par le Demandeur.]
——–
a) Contexte
2. Monsieur X est marié avec Madame Y.
3. Monsieur X est prépensionné et travaillait auparavant en tant qu’indépendant dans le secteur de la menuiserie. Madame Y est invalide.
4. Monsieur X et Madame Y sont propriétaires en indivision de leur maison d’habitation acquise en 1997 et financée par un crédit hypothécaire de XX,XX EUR.
5. Il sont également propriétaires d’un seconde résidence acquise en 2023 sur fonds propres.
6. Monsieur X envisage de donner en location cette seconde résidence meublée avec fourniture du linge de maison (linge de lit et de bain) via la plateforme de location « ZZZ ».
7. Selon le Demandeur, un service très limité sera fourni dans le cadre de ladite location :
• l’entretien quotidien ne se fera pas : le propriétaire offrira en fin de location un service d’entretien via la plateforme pour un montant forfaitaire de XX,XX EUR ;
• l’accueil s’effectuera via un simple échange de clés (en moyenne 1 fois par semaine) ;
• la gestion d’une réservation nécessitera peu d’investissement vu que la mise à disposition du bien se fera exclusivement via la plateforme de location « ZZZ ». Cet opérateur se chargera de la promotion, de la location, de la perception du loyer et des charges ainsi que du relevé annuel du nombre de locations, des loyers et charges réclamés par séjour ;
• aucun petit-déjeuner ne sera fourni ;
• aucun voyage touristique ne sera proposé ;
• le linge de maison sera fourni au locataire.
8. Le logement a fait l’objet de travaux d’amélioration par Monsieur X lui-même en vue de la location via la plateforme « ZZZ ».
9. Il est par ailleurs précisé que les lieux ne seront loués qu’à des particuliers qui ne les utiliseront pas pour l’exercice de leur activité professionnelle.
10. Bien que l’intention soit de louer le logement régulièrement, il n’y aura en 2024, selon le Demandeur, que quelques locations sporadiques.
11. Le loyer variera selon la durée et la période de l’année et peut approximativement être estimé à XX,XX EUR par jour.
12. Un prix global sera facturé aux locataires du logement par la plateforme de location, laquelle permettra de décomposer le prix pour la location proprement dite et les services fournis. Ainsi, un montant de XX,XX EUR sera par exemple facturé pour le nettoyage et un montant de XX,XX EUR sera facturé pour le linge de lit.
13. « ZZZ » propose le bien à la location moyennant une commission en décomposant le prix entre la location proprement dite, les frais de dossier, l’assurance locative et les charges (eau, électricité, chauffage). Il est à noter qu’aucune commission ne sera due sur les charges.
b) Opération envisagée
14. Monsieur X considère que la fourniture de draps de lit et du linge de bain ainsi que le service de nettoyage (qui lui imposeront de facturer une TVA et l’amèneront à cette fin de disposer d’un numéro de TVA) ne sera pas de nature à ce que l’activité de location soit considérée comme un revenu professionnel.
15. Dès lors, les revenus issus de la location immobilière seront scindés le cas échéant, en revenus immobiliers, revenus mobiliers et revenus divers.
III. Décision
Les conditions prévues aux articles 21 et 22 de la loi du 24 décembre 2002 modifiant le régime des sociétés en matière d’impôts sur les revenus et instituant un système de décision anticipée en matière fiscale sont remplies.
Il ressort de l’examen approfondi auquel s’est livré le SDA que :
16. Monsieur X possède une seconde résidence meublée qui sera mise en location via la plateforme de location « ZZZ ». Dans le contrat de location, le montant du loyer varie selon la durée et la période de location. Aucune disposition spécifique n’est stipulée dans le contrat en ce qui concerne la ventilation du prix se rapportant aux biens immeubles et aux biens meubles.
17. Selon les informations communiquées par le Demandeur, les services offerts sont limités (cf. point 7 de la décision).
a) Qualification des revenus locatifs provenant de la location (à l’exclusion du mobilier) de la seconde résidence
18. Conformément à l’article 7, § 1, 2 °, a), deuxième tiret du CIR 92, les revenus de biens immobiliers bâtis situés en Belgique qui sont donnés en location à une personne physique qui ne les affecte ni totalement ni partiellement à l’exercice de son activité professionnelle sont constitués du revenu cadastral majorés de 40%.
19. Selon la théorie de la « contrainte », les revenus qui sont par nature « immobiliers » ou « mobiliers » sont imposables respectivement en tant que revenus immobiliers ou mobiliers (Cass. 22 janvier 2010 et 4 octobre 2013).
20. Ainsi, les revenus tirés de la location d’un immeuble par l’intermédiaire de la plateforme « ZZZ » ne peuvent pas être considérés comme des revenus divers.
21. Toutefois, les revenus de biens immobiliers et des capitaux et biens mobiliers sont considérés comme des revenus professionnels au sens de l’article 37 du CIR 92 lorsque ces biens sont affectés à l’exercice de l’activité professionnelle du bénéficiaire des revenus.
22. Conformément aux dispositions de l’article 23, § 1er du CIR 92, les revenus professionnels (y compris les bénéfices, les profits et les rémunérations) sont des revenus qui proviennent directement ou indirectement d’activités de toute nature.
23. Il ressort du n° 23/35 du Com.IR 92 que : « par occupation lucrative, il y a lieu d’entendre, lorsqu’elle est exercée par une personne physique, un ensemble d’opérations qui sont suffisamment fréquentes et liées entre elles pour constituer une occupation continue et habituelle et qui, débordant les limites de la gestion normale du patrimoine privé, présentent un caractère professionnel (Cass., 6.5.1969, Grazia et de Mesmay, Bull., 475, p. 1043; id., 24.9.1968, Petit, Bull., 466, p. 1298) ».
24. Il ressort du n° 23/36 du Com.IR 92 que : « peuvent être retenus comme éléments de fait pouvant révéler l’exercice d’une occupation lucrative à caractère professionnel, outre le nombre, la nature et la succession rapide des opérations réalisées, le rapport existant entre elles, leur importance, l’organisation qu’elles impliquent, le fait qu’elles ont été réalisées à l’aide de fonds empruntés et en association avec deux ou plusieurs personnes, le fait qu’une activité accessoire soit étroitement liée à l’activité principale du contribuable intéressé ou se situe dans le prolongement de cette activité professionnelle [ La seule circonstance qu’une opération accomplie dans le cadre d’une activité accessoire soit étroitement liée à l’activité principale du contribuable ou se situe dans le prolongement de celle-ci, ne suffit évidemment pas pour que cette opération soit considérée comme une occupation lucrative au sens de l’art. 27, CIR 92. Pour cela, il doit en effet être également satisfait au principe général selon lequel l’activité doit entrer dans le cadre d’un ensemble d’opérations qui sont suffisamment fréquentes et liées entre elles ] ».
25. Compte tenu du fait que :
• le Demandeur est prépensionné et que son épouse est invalide ;
• la maison d’habitation louée via la plateforme de location « ZZZ » ne sera pas utilisée pour l’activité professionnelle du Demandeur ;
• ladite location ne constitue pas un prolongement de l’activité professionnelle du Demandeur ;
• l’activité de location via la plateforme de location « ZZZ » ne concerne qu’un seul immeuble et que la location de ce seul immeuble ne permet pas de conclure à l’existence d’une activité professionnelle ;
• le temps consacré aux activités de suivi et aux services est très limité (cf. point 7 de la décision) ;
• les services tels que la promotion, la facturation, les réservations… sont assurés par « ZZZ » ;
• le loyer comprendra les frais d’électricité, d’eau et de chauffage mais l’activité de location n’impliquera pas d’autres services permanents hormis la fourniture de draps de lit et le nettoyage ;
• la location du logement ne peut se faire que dans le cadre d’une utilisation et d’un usage privé, tel que confirmé par le Demandeur.
26. De ce qui précède, il peut être conclu que les revenus locatifs (à l’exclusion du mobilier, cf. point b) ci-dessous) perçus par le Demandeur ne constituent pas des revenus professionnels au sens de l’article 23, § 1er du CIR 92 mais doivent être considérés comme des revenus immobiliers au sens de l’article 7, § 1er, 2°, a), deuxième tiret du CIR 92.
b) Classification des revenus locatifs provenant de la location du mobilier de la seconde résidence meublée
27. Conformément à l’article 17, § 1er, 3 ° du CIR 92, les revenus provenant de la location de biens mobiliers constituent des revenus de capitaux et biens mobiliers.
28. L’article 4, 2°, b), AR/CIR 92 prévoit que lorsqu’il s’agit de biens meubles garnissant des habitations, chambres ou appartements meublés et qu’il est stipulé un loyer global pour les biens mobiliers et immobiliers, les 2/5 dudit loyer sont censés représenter le montant brut au titre de revenus imposables de biens mobiliers.
29. Les contrats de location qui seront conclus n’indiqueront pas un montant distinct pour le prix de la location du mobilier présent dans la chambre meublée de la maison d’habitation.
30. En conséquence, il peut être défini que 40 % du loyer qui sera obtenu pour la location du bien immobilier meublé constituera dès lors un revenu mobilier.
c) En ce qui concerne les prestations de services
31. Depuis le 1er juillet 2022, si un logement meublé est loué pour une durée de moins de trois mois en proposant un service tel que la mise à disposition du linge de maison (gîte, chambre d’hôtes…), le bénéficiaires des revenus est assujetti à la TVA et doit appliquer 6% de TVA sur l’intégralité des loyers. Cette règle s’applique également aux particuliers qui exploitent un gîte ou une chambre d’hôtes en dehors d’une activité professionnelle.
32. Le fait que la nouvelle législation TVA impose au bénéficiaire de tels revenus un assujettissement à la TVA ne sera pas de nature, en ce qui concerne l’impôt des personnes physique, à ce que l’activité de location soit considérée comme un revenu professionnel. Le fait que certaines opérations puissent constituer une activité professionnelle à l’impôt des personnes physiques git en fait et doit être jugé au cas par cas au moyen de circonstances de fait concrètes.
33. Un tarif complémentaire unique sera facturé au locataire pour la fourniture de draps de lit et le nettoyage. Ces prestations limitées pour lesquelles un coût distinct est facturé, seront dès lors considérées comme un revenu divers conformément à l’article 90, alinéa 1er, 1° du CIR 92.
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