Les sociétés de management dans le viseur des autorités belges

Sociétés de management

L’essor des sociétés de management inquiète les autorités belges

Le nombre de travailleurs indépendants choisissant de recourir à une société de management pour exercer leur activité ne cesse de croître. Entre 2018 et aujourd’hui, ce chiffre a grimpé de 26.206 à 80.210, d’après les données fournies par Statbel.

Cette augmentation des sociétés de management a été en grande partie stimulée par l’instauration, en janvier 2018, d’un taux d’imposition réduit de 20% (au lieu de 25%) sur la première tranche de 100.000 euros de leur revenu imposable. « En revanche, pour l’impôt sur le revenu des personnes physiques, les revenus professionnels sont taxés à un taux de 50% au-delà de 46.000 euros nets par an, auxquels s’ajoutent les cotisations sociales », précise Denis-Emmanuel Philippe, avocat associé chez Bloom Law.

De plus, sous certaines conditions, ces sociétés peuvent distribuer leurs bénéfices avec un taux de précompte mobilier réduit, « ce qui entraîne une réduction significative de la pression fiscale globale », ajoute-t-il. Depuis la réforme du droit des sociétés en 2020, il est également possible de créer une société de management (sous la forme d’une société à responsabilité limitée) sans avoir à verser de capital minimum.

Il n’est donc pas surprenant que ce modèle ait rencontré un tel succès. Cependant, comme c’est souvent le cas dans ce type de situation, les sociétés de management ont attiré l’attention des projets successifs de réforme fiscale : la grande « épure » de Mark Delanote, le projet de réforme fiscale de Vincent Van Peteghem, et plus récemment, les diverses « super notes » élaborées par le formateur Bart de Wever en vue de la formation d’un gouvernement fédéral. « Nous avons pu observer dans les différentes versions de la ‘super note’ une volonté de limiter ce phénomène de passage en société à des fins strictement fiscales », souligne Sébastien Splingard, responsable des questions fiscales au sein du service d’études de l’UCM.

Une des conditions pour bénéficier d’un taux d’imposition réduit sur les 100.000 premiers euros de revenu imposable est l’exigence de se verser un salaire minimum. Depuis l’année de revenus 2020, ce salaire est fixé à 45.000 euros, mais une proposition d’augmentation du seuil à 50.000 euros, qui serait indexée, est régulièrement discutée afin d’éviter une transition trop rapide vers le statut de société.

Cependant, il est difficile d’évaluer les effets dissuasifs potentiels de ces mesures. En effet, même si la société ne respecte pas les critères pour le taux de 20%, elle sera soumise à un impôt de 25% sur son résultat imposable, ce qui demeure plus favorable qu’une imposition par tranches en tant que personne physique.

Mais qu’en est il de la distribution des bénéfices ? 

En règle générale, un dividende versé par une société belge à un actionnaire personne physique est assujetti à un précompte mobilier de 30%. Cependant, les sociétés de gestion ont la possibilité de bénéficier de deux régimes avantageux : les VVPRbis (qui permettent la distribution de dividendes sous forme de nouvelles actions à un taux de 15% après trois exercices clôturés) et la réserve de liquidation (qui autorise la distribution des réserves accumulées après cinq ans à un taux de 5%).

« Grâce à la réduction du taux de l’impôt des sociétés, associée aux taux réduits de précompte mobilier, les sociétés de gestion peuvent redistribuer leurs bénéfices à leurs actionnaires personnes physiques avec une charge fiscale globale d’environ 30% », souligne Denis-Emmanuel Philippe.

La pérennité de ces deux régimes fiscaux a été remise en question à plusieurs reprises dans divers projets et documents, en échange d’une réduction à 25% du taux normal du précompte mobilier. « Dans la dernière version de la ‘super note’, le taux n’est plus abaissé à 25%. Cependant, les régimes des VVPRbis et de la réserve de liquidation semblent être préservés. Néanmoins, étant donné que la ‘super note’ ne fait pas l’unanimité parmi les partis susceptibles de former la future coalition, il est clair qu’une suppression (progressive) de ces deux régimes ne peut être exclue », avertit-il.

Dans le même esprit, il est pertinent de souligner que Bart De Wever mentionne également dans son document l’instauration d’une « déduction pour indépendants », qui se traduirait par une déduction forfaitaire annuelle de 10 % (ou un maximum de 10 000 euros) sur les bénéfices imposables des travailleurs indépendants exerçant en tant que personnes physiques. L’objectif est manifestement de soutenir et d’encourager les entrepreneurs opérant en tant que personnes physiques, afin d’éviter qu’ils ne se tournent vers la création d’une société pour leurs activités, conclut Sébastien Splingard.

Edmond ALDERIC – Expert fiscal Partner

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